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mercredi 27 juillet 2011

Guerre en Afghanistan. Le général Desportes ne mâche pas ses mots

25 mai 2011
La mâchoire carrée, la parole concise et le verbe percutant, le Général Vincent Desportes n’a pas mâché ses mots, lors de la conférence "Afghanistan, 10 ans de conflits" organisée par l'IRIS à Paris le 11 mai, pour dénoncer l'incapacité des Américains à mener à bien leur guerre afghane.
Fait suffisamment rare pour être souligné : son intervention, retranscrite ici en intégralité, fut littéralement acclamée :
"Je vais traiter de manière plus théorique le sujet qui a été donné : « Les enseignements stratégiques et militaires du conflit afghan ». Pour constater qu’en fait ce conflit valide à nouveau des concepts stratégiques persistants, qui affirment en chaque occasion leur pertinence, quel que soit le mépris qu’on puisse leur porter.
Quelques idées :
Première idée, c’est celle de la vie propre de la guerre. L’idée de Clausewitz, on le sait.  Dès que vous avez créé la guerre, la guerre devient un sujet et non pas un objet. Clausewitz évoque la volonté indépendante de la guerre, les événements finissant par avoir leur dynamique propre. La guerre a sa vie propre qui vous conduit, pour de nombreuses raisons, là où vous n’aviez pas prévu d’aller.
L’exemple de l’Afghanistan est particulièrement frappant. La guerre commence le 7 octobre, avec un objectif clair : faire tomber le pouvoir taliban à Kaboul et détruire le réseau d’al-Qaïda en Afghanistan. En gros, l’objectif est atteint fin novembre 2001. Il y a alors moins de 2000 militaires occidentaux au sol.
Dix ans après : les objectifs de guerre ont totalement changé, il y a presque 150 000 soldats déployés en Afghanistan. C’est ce qu’un général résume d’une autre manière en parlant du niveau instable des décisions politiques, ce qui amène les stratèges militaires à adopter des modes de guerre successifs, qui s’avèrent contre-productifs par la suite.
Cette évolution afghane éclaire donc deux réalités éternelles de la guerre. La première : toute guerre est marquée par une dérive de ses buts et le plus souvent une escalade des moyens, deuxièmement, les fins dans la guerre influent toujours sur les fins de la guerre.

Deuxième idée : on doit concevoir la guerre et sa conduite non pas en fonction de l’effet tactique immédiat, mais en fonction de l’effet final recherché, c’est-à-dire le but stratégique. Autrement dit la forme que l’on donne initialement à la guerre a de lourdes conséquences ultérieures, ce qui est perdu d’entrée est très difficile à rattraper. Prenons les deux premières phases de la guerre en Afghanistan :
- première phase, celle du modèle afghan. 2001, où selon les mots de Joe Biden, la stratégie minimaliste américaine. Lancée le 7 octobre 2001 cette phase associe la puissance aérienne américaine, les milices afghanes et un faible contingent de forces spéciales américaines. Résultat : on constate que le modèle a fonctionné pour faire tomber le régime des talibans, mais beaucoup moins pour débusquer les membres d’al-Qaïda et détruire les militants qui doivent se réfugier dans leurs zones sanctuaires. Conséquence : cette stratégie a contribué à renforcer les chefs de guerre locaux, en particulier ceux dont le comportement avec la population était honni et qui étaient hostiles au gouvernement central de Kaboul. Cela a renforcé la puissance tadjike et donc aliéné d’autant la population pachtoune. Tout cela a affaibli ce qui allait être essentiel ultérieurement, les deux piliers centraux de la reconstruction : l’Etat central et la bonne gouvernance.
- deuxième phase : celle du modèle américain 2002-2006
Compte tenu de l’impossibilité pour les milices afghanes de venir à bout des talibans, les troupes américaines prennent la tête des opérations de ratissage. Il s’agissait d’opérations de bouclage avec pour but d’éliminer les caches des terroristes. Résultat : très limité. Conséquences : l’efficacité du modèle américain est limitée par un très grand défaut de sensibilisation culturelle et politique, voire par la supériorité technologique elle-même. Les bombardements aériens soulèvent des questions sensibles. On se rappelle le bombardement d’une fête de mariage en Uruzgan en juillet 2002 avec des coûts politiques considérables. Les forces américaines suscitent crainte et hostilité dans la population, ils sont perçus comme des infidèles, commencent à être véritablement perçus comme une force d’occupation. La population initialement neutre, voire favorable, est ennemie. On passera en 2006 d’une guerre « enemy-centric » à une guerre « population-centric » mais le premier mode de guerre aura commis des dommages qui semblent irréparables.
Quatrième idée : si le centre de gravité de l’adversaire se situe au-delà des limites politiques que l’on s’est fixé, il est inutile de faire la guerre car il ne sera pas possible de la gagner. Au sens Clausewitzien, le centre de gravité des talibans se situe dans les zones tribales pakistanaises puisque c’est de cette zone refuge qu’ils tirent leur capacité de résistance. Il est impossible pour les Américains d’y mettre militairement de l’ordre, celle-ci se situe au-delà des limites politiques qu’ils se sont fixées, ne serait-ce d’ailleurs que pour de simples raisons logistique militaire, en raison de la vulnérabilité de leurs convois militaires lorsqu’ils traversent le Pakistan.
Cinquième idée : c’est avec son adversaire que l’on fait la paix. Selon le bon esprit de la guerre froide qui n’a pas fini de nous faire du mal, la conférence de Bonn en décembre 2001 a été non pas la conférence d’une réconciliation, mais la conférence des vainqueurs. Elle a de fait projeté les talibans, donc les Pachtounes, dans l’insurrection. Dix ans après, nous n’en sommes pas sortis.
Sixième idée : ce qui est important, c’est le stratégique et non pas le tactique. Nous sommes aujourd’hui plongés au cœur d’une véritable quadrature du cercle tactique, entre protection de la population d’une part, protection de nos propres troupes d’autre part, et destruction de l’adversaire taliban par ailleurs.
Nous sommes engagés dans un travail de Sisyphe du micro management du camp de bataille. C’est une impasse. Nous ne trouverons pas de martingale tactique en Afghanistan, la solution est d’ordre stratégique et politique. Une accumulation de bonnes tactiques ne fera jamais une bonne stratégie. Un problème politique au premier chef ne peut être résolu que par une solution politique. Citant des officiers américains, le NYT regrettait récemment, je cite : « la déconnexion entre les efforts intenses des petites unités - et c’est tout aussi vrai des unités françaises – et les évolutions stratégiques. »
Je voudrais maintenant évoquer une idée de … le niveau tactique. Elle est simple : le nombre compte, mass matters comme disent nos amis anglo-saxons. Les coupes budgétaires progressives et l’exponentiel coût des armements ont conduit à des réductions de formats incompatibles avec l’efficacité militaire et de nouvelles conditions de guerre au sein des populations.
Contre l’insurrection, on connaît les ratios : en-dessous du ratio de 20 personnels de sécurité pour 1000 locaux il est tout à fait improbable de l’emporter. Irlande du Nord : pour une population d’un million d’habitants, les Britanniques ont maintenu une force de sécurité globale de 50 000, ils sont restés vingt ans, le ratio est de 1 pour 20. En Irak, la population est de la trentaine de millions. Il a fallu mettre sur pied avec les Irakiens une force de 600 000 hommes pour que la manœuvre de contre-insurrection commence à produire ses effets. En Algérie, à la fin des années 50, les effectifs français étaient de 450 000 pour une population de  8 millions d’Algériens d’origine musulmane comme on les appelait alors. En Afghanistan, nous sommes extrêmement loin de ces ratios alors que le théâtre est infiniment plus complexe, physiquement et humainement, nous agissons en coalition, le ratio est de deux fois 140 000 pour 30 millions, c’est la moitié de ce qui est nécessaire pour avoir un espoir de gagner.
Le ratio actuel forces de sécurité / population nous permet de conquérir – on le sait bien parce qu’on le fait tous les jours – mais pas de tenir. Or gagner la guerre c’est contrôler l’espace, or nous ne savons plus, nous ne pouvons plus, nous Occidentaux, contrôler l’espace.
Pour conclure, deux dernières idées :
Un : le conflit afghan est bien une guerre américaine. On se rappelle de ce télégramme diplomatique révélé dans le Monde par Wikileaks, où l’ambassadeur des Etats-Unis à Paris demandait, sur instance de l’Elysée, que Washington trouve des façons de faire croire que la France comptait dans les options stratégiques.
On se rappellera aussi que de McKiernan à Petraeus en passant par McChrystal, le commander in chief américain relève et remplace le chef de la coalition sans en référer aux autres membres. On se souviendra que les calendriers et les stratégies sont dictés davantage par les préoccupations de politique intérieure américaine que par le dialogue avec les coalisés, bien obligés de s’aligner – ceux qui ont lu « Les guerres d’Obama » de Woodward ne me contrediront sûrement sur aucun de ces points.
Dernière idée. L’Afghanistan est une nouvelle preuve de l’échec de l’Europe. Je constate qu’il y a ou qu’il y a eu 15 pays de l’Union ayant engagé des forces militaires en Afghanistan : Allemagne, Belgique, Danemark, Espagne, France, Hongrie, Italie, Lituanie, Lettonie, Pays- Bas, Pologne, Roumanie, Suède, République Tchèque, Portugal. Avec des effectifs non négligeables puisqu’ils représentent environ 40 000 combattants, soit un tiers de la force engagée.
Or il n’y a presque pas d’Europe ou en tout cas de défense européenne en Afghanistan. On pourra toujours m’expliquer qu’historiquement l’Europe a eu du mal à s’imposer en tant que telle dans cette guerre. Certes. Mais le constat est là : l’Europe mène sa guerre la plus longue « ever », elle le fait avec des effectifs extrêmement importants et elle n’existe pas. Cela donne une résonnance nouvelle aux propos du Ministre de la Défense Hervé Morin, qui affirmait fin octobre dernier : « L’Europe est devenue un protectorat des Etats-Unis. » Il est temps que l’Europe se reprenne en main. Merci. "

samedi 28 mai 2011

A propos de stransports collectifs.

A Prague circulent des trams de deux ou trois générations différentes sur des rails qui ont plus d'un demi siècle, et pourtant ils savent moduler le nombre de voitures en fonction de la ligne ou du moment, mais notre CTS, non. Que ce soit pour les bus ou pour le TRAM. Le nombre d'unités utilisés aurait-il une influence sur le niveau des subventions? Ou bien n'est ce qu'une incapacité à s'adapter?

dimanche 22 mai 2011

Après une visite à Prague

Il est instructif d'observer ce qui se passe chez nos voisins.
Nous rentrons de Prague, émerveillés par cette ville splendide, (même si je ne suis pas trop amateur du style rococo), avec une infrastructure qui rappelle toute l'histoire de l'Europe. Mais ville tournée vers l'outre Atlantique, à tel point que le Français peut s'y sentir étranger en Europe. Les langues allemande et française n'y ont pas droit de cité. On en connait les causes, mais je ne l'imaginais pas à ce point. L'Europe n'est pas faite...Tout ce qui peut rappeler le communisme a été évacué, sauf... de vieilles habitudes qu'on ne peut changer en une génération, style de la police, indifférence aux autres (conséquence de la méfiance) qui peut aller jusqu'à l'impolitesse, quelques bâtiments au style inénarable. Autres aspects de la capitale Tchèque: des nouveaux riches qui roulent en gros 4X4 aux vitres teintées  et qui affichent leur graisse et leur fric à côté d'une population dans laquelle une classe moyenne n'a pas encore émergé, mais aussi une ville avec une population active qui s'éveille (pour travailler) dès 7 heures du matin, pour s'arrêter vers vingt deux heures. Cette ville manifeste aussi un apétit de vivre phénoménal.
Y circulent des trams de deux ou trois générations différentes sur des rails qui ont plus d'un demi siècle, et pourtant ils savent moduler le nombre de voitures en fonction de la ligne ou du moment. Notre CTS, elle, ne sait pas le faire, que ce soit pour les bus ou pour le TRAM. Le nombre d'unités utilisés aurait-il chez nous une influence sur le niveau des subventions? Ou bien n'est ce qu'une incapacité à s'adapter?
Entre Prague et la frontière, j'ai compté cinq immenses champs de panneaux solaires. Plutôt que de faire appel aux éoliennes dont le bilan carbonne n'est pas des meilleurs et qui gâchent un paysage, ils ont fait appel à l'énergie solaire. Bravo.

samedi 19 février 2011

A propos des déplacements urbains

Les étrangers pensent que les Français sont des gens raisonnables. Ne sommes-nous pas le pays de Descartes? D’autre part, la modération de son climat, la richesse de ses terres, la beauté de ses paysages ont fait que notre pays a attiré toutes les invasions de l'Est, du Sud et du Nord. Enfin, le mélange des peuples, unifiés par une centralisation du pouvoir unique en Europe, aurait dû engendrer un « homo modicus », un homme raisonnable.
Et pourtant, il semblerait, au contraire, que nous soyons le pays de tous les excès et de tous les orgueils. Il y a autant de vérités absolues que de Français. 
Et, si en outre, l’intérêt particulier s’invite dans la réflexion, il n’y a plus de débat possible.
Cela est vrai, aussi bien au niveau national qu’au local.
Prenons l’exemple des déplacements urbains.
D’un côté, les écolos purs et durs voient dans la voiture la cause de tous les maux. Ils voudraient mettre tout le monde à vélo, ou dans des transports en commun.
A l’autre extrémité se trouvent ceux qui ne peuvent faire dix mètres sans leur voiture, instrument de prestige et témoin de leur réussite sociale.
Entre les deux, des bobos de gauche ou de droite, qui font du vélo en famille le dimanche, tout en parlant du dernier 4X4 qu’ils viennent d’acquérir. Et puis, tous ceux qui ne se posent pas de question parce que, soit ils ne peuvent faire autrement que d’utiliser les transports en commun, soit leur voiture est leur outil de travail avant d’être un enjeu politique, ou bien tout simplement parce qu’il est bien pratique d’avoir à disposition un moyen de locomotion souple et disponible de suite, qui vous emmènera sans surprise là où vous le désirez.
Ce sera en vain que vous mettrez ces gens-là autour d’une table. Ils ne s’entendront jamais.
Il suffit de lire les courriers de lecteurs dans la presse. Tous ces gens-là s’arque boutent sur leurs convictions, sans tenir comptent le plus souvent des réalités. Les plus raisonnables seront encore ceux qui ne peuvent avoir le luxe du choix.

Quelles sont ces réalités ?
-1- Tout d’abord, le parc automobile ne cesse de s’accroître. Alors, changeons les comportements, et faisons en sorte que la voiture ne soit plus nécessaire pour se déplacer, même s’il faut prendre des mesures un peu radicales, diront les écologistes. Interdisons la voiture en ville, tous en transport en commun ou en covoiturage.
- 2- C’est oublier que les transports en commun ne permettent pas ou peu les déplacements pour le travail, pour la famille, pour les courses, pour les loisirs.
- 3- La voiture, qu’on le regrette ou non, est devenue un symbole de liberté, quand il n’est pas celui d’une réussite sociale.
- 4- L’industrie automobile est un des moteurs de l’industrie mondiale et elle fait vivre des milliers de personnes.
- 5 – Enfin, de tous temps, il a été plus facile de faire évoluer les techniques que les mentalités et les comportements.

Alors, agissons au moins sur certaines de ces réalités :
- 1- Faisons évoluer les habitudes des hommes, en souplesse, progressivement, mais de manière globale.
- 2- Surtout, repensons la ville, en tenant compte de tous les besoins.